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Critical Hit

La critique pure de jeux vidéo

Elden Ring

La balade des gens dangereux

Est-il encore possible de parler d’Elden Ring alors que le monde entier vidéoludique semble s’être mis d’accord sur le statut exceptionnel de ce titre ? Je vais dire oui, sinon il va me falloir m’arrêter là et j’ai quand même prévu de vous raconter certaines choses sur le dernier-né de Fromsoftware. Entre jeu, expérience, exploration et difficulté, il y a de quoi développer un propos qui, je l’espère, vous permettra de vous faire une meilleure idée de ce jeu aux aspirations cryptiques.

Cela fait deux ans que Elden Ring est sorti et il s’en est passé des choses depuis, mais voilà, Elden Ring a accaparé mon esprit tout au long de cette année écoulée. Deux parties, deux run aux aspirations opposées, la première dans une perspective de comprendre ce dont il en revenait et une deuxième pour aller taper le dernier boss, chose maintenant faite. Le devoir est donc accompli et j’aimerais remercier mes parents, amis et collègues qui m’ont soutenu dans cette aventure plus qu’extraordinaire. Mais pourquoi cela ? Pourquoi Elden Ring marque tant les esprits ? Difficile de vous répondre en une phrase, mais je vais essayer de vous faire comprendre pourquoi il vous faut y jouer et pourquoi vous ne devriez jamais y toucher. Commençons par les bases, histoire de tout de même comprendre de quoi on parle.

Elden Ring est donc un jeu de rôle en monde ouvert rempli de monstres, châteaux, caves et villes détruites qu’il va falloir explorer afin de gagner en expérience et d’arriver à la fin du jeu. Voilà le principe. Simple, non ? Sauf que le jeu est basé sur l’idée que rien ne sera facile, ni vraiment expliqué. Cette difficulté, créée par le manque d’explication, va être le principal frein à l’avancement, mais elle est également ce pourquoi Elden Ring est si particulier. De cette incompréhension concernant ce qu’il se passe, à savoir le loot, la progression, où aller, que faire, pourquoi faire, et comment faire peut naître de la frustration. Cette mutation va probablement amener à l’abandon du jeu. D’autres facteurs tels que la grandeur du jeu, le nombre d’heures à passer pour arriver au bout ou ses pics de difficultés se lient à l’imperméabilité du titre. Pour dire vrai, presque tout est fait pour qu’à un moment, on abandonne avant la fin. Ma première partie s’est terminée ainsi de la sorte. Après 90 heures passées à crapahuter partout et à tenter à m’en sortir, j’ai fini par éliminer le géant de glace et lorsque j’ai vu qu’il me fallait encore sans doute passer 20 à 30 heures pour voir la fin, j’ai arrêté. Merci, au revoir, adieu même. Mon fier guerrier très mal équipé aura tout donné. RIP.

Je n’ai pourtant jamais cessé d’y repenser, de me dire qu’il ne fallait pas abandonner de la sorte et que s’en aller sans réussir si près du but était un véritable échec. Cette petite pensée s’est étirée durant six mois. Six mois sans retoucher à Elden Ring. Et puis est venu cet hiver où la morosité du temps alliée à une période sombre de ma vie me faisait souffrir. La souffrance… un mot qui a plus que résonné immédiatement. Souffrir, okay, mais autant souffrir en armure de chevalier et en tentant le tout pour le tout non ? Bien calé sur ma chaise, le moral remonté comme jamais et déterminé à prendre en main ce jeu qui se refusait pourtant, me voilà parti pour un deuxième run. Exit le guerrier au bouclier et à l’arme à une main, solide comme un roc, mais peu mobile. Place au mage et ses attaques dévastatrices à distance. Une manière d’enterrer le passé en changeant radicalement de façon de jouer et en découvrant de nouvelles mécaniques. Place également au guide, l’outil indispensable qui m’a accompagné tout au long de ces cent heures de jeu. On met un deuxième écran à côté et on lance la partie en suivant ce qu’il faut faire pour bien débuter. Les premières heures ne sont pas très compliquées à vrai dire, surtout lorsqu’on connaît déjà bien les mécaniques du jeu. On peut alors commencer à mieux comprendre comment les objets fonctionnent, comment les améliorer, et quand faut-il le faire. Ou tout simplement ramasser le super bâton qui va servir durant presque la moitié du jeu. Bref, le guide, non seulement offre des solutions aux problèmes, mais propose de suivre certaines étapes afin de ne pas se retrouver coincé rapidement. Oui, le guide est très utile, mais non il ne rend pas le jeu plus simple. Il rend le jeu plus compréhensible et comme dit plus haut, le manque d’information consistait en un problème insoluble. Les boss restent durs, on meurt souvent, parfois bêtement, mais au moins, on comprend pourquoi et surtout comment réussir. Chose qui n’était pas accessible avant.

Elden Ring ce n’est pas juste tuer des boss compliqués, c’est surtout explorer des terres et lieux avec parcimonie afin d’être sûr de n’avoir rien raté. Grâce à cette exploration minutieuse, on se rend compte à quel point ce titre est extraordinaire. Entre plaines remplies de géants, de caves faisaient la part belle aux gargouilles et squelettes, de cités perdues enfouies dans les sous-sols ou Leyndell, la Capitale dévastée mais à l’architecture et aux panoramas à couper le souffle, sans compter cet énorme Arbre trônant au centre du monde et diffusant sa lumière jaunie, créant une atmosphère d’une mélancolie rarement atteinte dans un produit audiovisuel, Elden Ring est majestueux. Froid, certes, mais majestueux. Sa capacité à surprendre à tout moment, son lore à première vue indigeste mais qui renferme en réalité une histoire tragique et des enjeux sérieux, ou encore des personnages rencontrés au fil de l’aventure et qui ont tous des motivations particulières, cherchant très souvent non pas à plaire au joueur comme bon nombre d’autres titres, mais plutôt à actionner des leviers favorables à leurs propres survies et succès, tout ceci le rend si… subtile, si élégant tout en étant d’un froid polaire. Le fait que les quêtes ne se retrouvent nulle part dans un journal de quêtes, une interface dédiée ou qu’il n’y ait simplement pas de repères et qu’il faille se souvenir des dialogues, les noter sur un papier ou consulter un guide rend le tout très charmant mais pénible. Vous voyez le topo ?

Le guide n’est pas indispensable et les puristes crieront au scandale en lisant ces lignes. Mais qu’ils crient, forts et longtemps. Cela n’affectera en rien mon audition tant j’ai aimé agir de la sorte en jouant à Elden Ring. S’il y a bien une chose que j’ai comprise après toutes ces années à jouer à des jeux vidéo, c’est qu’il n’y a pas de mauvaises manières de pratiquer un jeu tant qu’on s’amuse dessus. Et toutes celles et ceux qui vous diront le contraire auront tort. Consulter des builds, un guide pour savoir quoi faire, me laisser porter par la découverte des étapes conseillées, me dire que je n’ai pas à m’occuper de savoir quels armes et armures porter, voilà ce que j’ai apprécié. J’ai pu me rendre alors compte de toute la splendeur de ce titre, de toute sa qualité, de ses mécaniques précises et merveilleuses. Place au moment présent et non pas aux questionnements qui m’ont taraudé durant mon premier run. J’étais enfin libéré de ce poids et je pouvais sans autre apprécier le jeu pour le jeu et non pas pour sa difficulté. Dès lors, et ce seront mes derniers mots sur Elden Ring, y jouer est indispensable si tant est qu’on est curieux ou curieuse. Le faire avec un guide est encore plus intéressant si on sent que ce titre nous échappe peu à peu par sa complexité. Je recommande néanmoins de le faire en deux étapes, une première fois sans rien, nu face aux affres du monde, afin de saisir l’entièreté de la puissance qui se dégage derrière Elden Ring, et enfin une seconde fois, armé par la connaissance et prêt à en découdre. La sensation est tout autant enivrante.

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