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Critical Hit

La critique pure de jeux vidéo

Final Fantasy VII: Remake

Un jeu à deux vitesses

Difficile de nier que Final Fantasy 7 est le volet le plus apprécié de la série très populaire de Square-Enix, même si c’est toujours un débat ouvert parmi les fans. C’est le seul pour lequel la demande d’un remake a été aussi forte et a duré aussi longtemps. Ce n’est pas pour rien que l’éditeur japonais a développé 2 spin-offs près de 10 ans après sa sortie initiale, qu’un remake de l’ouverture avait servi à teaser la puissance de la Playstation 3 en 2005 (mon Dieu, c’était plus proche de la sortie du jeu original que de maintenant, et même pas qu’un peu) et qu’un film d’animation a développé la suite de l’histoire. Malgré le passage des années et la sortie de produits dérivés, l’envie de voir revivre ce jeu mythique ne s’est jamais estompée et Square a finalement décidé d’encaisser le bénéfice de tout ce teasing en sortant un véritable remake.

“Véritable remake”, je me suis peut-être un peu emporté. Final Fantasy 7 Remake ne couvre que les quelques premières heures du jeu original qui y servent d’introduction au groupe écoterroriste Avalanche que l’on joue et l’entreprise corporative dystopique Shinra qui fait plus ou moins office de gouvernement. Ce découpage serait dû à l’impossibilité de fourrer tout le contenu du jeu de 1997 (le jeu, à l’époque, venait déjà sur 3 CDs) en un seul jeu au niveau de la production actuelle. On aurait presque tendance à les croire en voyant l’inégalité du niveau de finition des différentes parties du jeu. Si certains aspects sont à la pointe techniquement et en matière de design de ce qui se fait de nos jours, d’autres sont simplement à la ramasse.

Attaquer le remake d’un tel mastodonte du jeu vidéo vient avec une bonne part de risque. D’un côté le risque de dépenser d’énormes sommes d’argent pour ne rien proposer de nouveau et de l’autre celui d’insulter ses plus grands fans en dénaturant le jeu d’origine. Sur ce point, Square-Enix a fait un travail remarquable. Le point principal à réussir était le système de combat et ce n’était pas une tâche facile, car le système original était en réalité assez simpliste malgré le fait qu’il soit iconique. Les développeurs du remake ont pourtant réussi à produire un gameplay amusant et dynamique qui rappelle beaucoup le système de combat d’origine.

Ma grosse plainte des JRPGs et leur transition progressive vers le jeu d’action et le temps réel est la perte du contrôle de toute notre équipe de personnages. On fait évoluer, on équipe et on équilibre nos compagnons soigneusement juste pour que l’IA prenne leur contrôle et les rende inutiles, c’est frustrant. Malgré le fait que la série Final Fantasy ait aussi choisi la route du jeu d’action et du personnage unique, en rétrospective, je me dis que quelqu’un chez eux doit bien être d’accord avec moi. Final Fantasy 12 et 13 donnaient la possibilité de configurer assez finement la manière d’agir de l’IA, alors que le 15 permettait de librement contrôler le personnage que l’on voulait. En prenant ces idées et en y ajoutant l’identité de Final Fantasy 7, le remake réussi t enfin à créer un système pour raisonnablement jouer une équipe entière tout en gardant un format de jeu d’action.

Comme dans le jeu original, les capacités consomment des barres d’ATB, celles-ci se remplissent principalement en attaquant l’adversaire à la manière d’un jeu d’action, les attaques physiques ne coûtant bien entendu pas d’ATB. Avec un seul personnage, la boucle de gameplay de base sera donc d’attaquer quelques fois l’ennemi pour charger ses barres d’ATB et les utiliser sur une action plus efficace choisie dans un menu qui ralentit le temps. Le choix de l’action à effectuer vient avec une nouvelle couche stratégique. Effectivement, chaque ennemi a des points faibles que l’on peut exploiter pour les mettre dans un état de fragilité, ou si on appuie encore plus, en état de choc. Ces états permettent d’avoir des opportunités d’infliger des dégâts bien plus sévères sur une courte période. C’est souvent par leur effet sur ce système que nos habiletés se différencient. Que ce soit en faisant grimper plus rapidement notre barre d’ATB, en remplissant davantage la jauge de choc de l’adversaire ou en appliquant de meilleurs multiplicateurs de dégâts aux adversaires en état de choc, chaque compétence trouve sa place. Les contrôles de jeux d’action sont aussi assez tactiques, même si visuellement les enchaînements sont très tape-à-l’œil et rapides, bien les contrôler ne revient pas à simplement écraser des touches. Comme dans un bon vieux JRPG au tour par tour, il n’y pas d’annulation d’animations. Si l’on a appuyé sur “attaquer”, l’animation se jouera complètement avant de pouvoir passer au coup suivant, il faut donc faire attention à ne pas investir trop de temps sur une offensive pour pouvoir placer ses parades et ses esquives.

C’est avec une équipe de trois personnages que le système brille réellement. Comme l’IA a plutôt tendance à jouer sur la défensive et que nous avons l’aptitude de prendre le contrôle de n’importe quel combattant à tout moment, c’est à nous d’essayer de diriger tous les héros en même temps pour maximiser les dommages. C’est une tâche presque impossible, mais le mieux on s’en sort, le plus les combats sont agréables à jouer. Il faut dire qu’au début il y a tellement d’éléments entre lesquels jongler que c’est plutôt pénible à prendre en main. Grâce à son bestiaire d’ennemis et de boss bien fourni et ses 4 héros qui se jouent tous différemment avec leurs propres habiletés qui se débloquent au fur et à mesure de l’aventure, le gameplay de Final Fantasy 7 Remake ne devient jamais lassant. À la fin du jeu, je voulais encore relancer des combats pour améliorer ma capacité à diriger les personnages et découvrir de nouvelles utilisations à mes techniques récemment acquises.

Si le combat est suffisamment robuste pour soutenir le poids d’un jeu de 30 heures, ce n’est pas forcément le cas du reste. Toute la progression donne l’impression d’avoir été étendue bien au-delà de ce que sa qualité lui permettait. Ceci est particulièrement évident dans les donjons qui ne sont guère plus que de longs couloirs répétitifs et sinueux qui rejoignent les différents points focaux. Difficile de ne pas avoir l’impression qu’ils sont là simplement pour nous faire perdre du temps. On parle souvent des ascenseurs, des couloirs étroits ou des échelles comme éléments de ralentissement pour permettre à notre machine de charger la suite du jeu, mais ils sont si fréquents dans Final Fantasy 7 Remake qu’on a l’impression que Square-Enix visait simplement un temps de jeu minimal et que notre PS4 était tout à fait capable de charger un énième morceau de couloir identique au précédent. Le missions secondaires sont elles aussi minimalistes la majorité se résumant à de simples va-et-vient dans des environnements ennuyeux. Plusieurs combats optionnels se trouvent bêtement dans un menu au lieu d’être liés à des quêtes annexes, c’est très décevant vu la qualité de ces combats et l’importance des récompenses reçues.

Ce déséquilibre qualitatif se ressent aussi dans les graphismes. Si certains des environnements sont sublimes et retranscrivent parfaitement l’univers imaginé en 1997, il y a en a tout autant qui frôlent à peine la médiocrité. Certaines skyboxes, par exemple, sont floues et distordues, une chose que je n’avais jamais vu dans un jeu à gros budget auparavant. Il en va de même pour les personnages; Cloud et sa bande sont si bien modélisés qu’on a parfois du mal à distinguer les cinématiques pré-rendues de celles qui tournent sur le moteur graphique, alors que les NPCs ont l’air de sortir d’un tout autre jeu, leur direction artistique n’étant pas la même. On a l’impression de revivre le clash visuel de New Donk City, mais sans le côté humoristique.

Le scénario a lui aussi dû être étendu pour remplir les 30 heures de l’aventure, mais celui-ci en souffre bien moins que le level design. Ce temps supplémentaire permet de mieux étoffer les personnages et de les détacher un peu de leur stéréotype de 1997. Difficile d’être insensible au charme innocent d’Aerith ou au cynisme de Red XIII. Je me suis même surpris à apprécier certains traits de Barret, que je n’ai jamais pu supporter dans le jeu originel. Ce n’est pas pour dire que tout est réussi. Square-Enix a ajouté de nouveaux éléments pour que les fans de Final Fantasy 7 aient quand même quelque chose à découvrir et sur ces points je suis plutôt mitigé. En plus des quelques donjons de remplissage qui ont tout de même droit à un peu de scénarisation, l’histoire accueille une nouvelle entité jamais vue dans un univers de Final Fantasy, une espèce de fantôme qui ne semble pas être du côté d’Avalanche, de la planète ou de la Shinra. Même si j’ai adoré découvrir ces changements et me réjouis de voir ce qu’ils apporteront dans les prochains volets, j’ai trouvé leur représentation trop fantaisiste pour cet opus très focalisé sur le terrorisme d’Avalanche et baigné dans l’esthétique corporative industrielle de Midgar. Pas tous les fans ne seront conquis.

Final Fantasy 7 Remake ne manque pas de défauts et certains de ses passages sont tout simplement pénibles, mais ses combats, son univers et sa qualité de production (dans les moments bien produits) réussissent à compenser tous ces manquements. Quand je repense à mon temps passé avec Avalanche, ce ne sont que les bons moments qui me reviennent et il ne manque pas de ceux-là non plus.

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