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Critical Hit

La critique pure de jeux vidéo

Starfield

L’exploration, au coeur du problème

Explorer l’espace dans Starfield, voilà ce qu’on espère dans un jeu mêlant vaisseaux, planètes, combats et l’idée d’incarner un aventurier qui traverse la galaxie de long en large. Au fil des nombreuses promesses lâchées par l’éditeur, la petite hypothèse que tout ceci n’allait pas vraiment marcher a germé. Qu’en est-il désormais alors que le titre est jouable ? 

A la vue des trailers de Starfield, la chose m’ayant le plus intrigué concernait le moment où un vaisseau s’approchant d’une planète se faisait scanner et que l’opérateur annonçait qu’aucune contrebande n’avait été détectée. Je me suis dit qu’il y avait là tout le potentiel pour incarner un aventurier capable de voler des cargaisons, de les dissimuler et de les revendre aux marchés noirs. Le tout entrecoupé d’aventures, d’exploration minutieuse de planètes, d’avant-postes et de points d’intérêts. Je me voyais déjà entrer dans l’atmosphère, poser mon vaisseau, parler à ce PNJ qui cherchait un métal rare que seul un gang de pirates possédait, le tout sans alerter la milice local. Quel fut mon désarroi une fois en jeu. La chose la plus scandaleuse consiste surtout que si on arrive à dissimuler notre cargaison de contrebande, on peut la vendre… aux marchands de l’autorité locale. Bravo Bethesda. B-r-a-v-o. L’exploration de Starfield n’est ainsi qu’une vaste fumisterie cachée derrière une tonne de mécaniques insipides aux relents de cache-misère. L’exploration est à proprement parler vide de sens, ne produit rien, n’amène rien si ce n’est de la perte de temps et se voit même minutieusement rendue ennuyante par le besoin de tout cataloguer pour valider un objectif qui, lui-même, ne sert à rien. Il faut scanner chaque plante, chaque animal, chaque biome et plusieurs fois qui plus est pour “confirmer” l’exploration d’une planète. Le fait de se poser n’importe où aurait pu amener des éléments intrigants, des points d’intérêts diversifiés, mais en réalité on se retrouve rapidement à explorer des grottes où recèlent quelques cailloux, des bâtiments vides ou habités de quelques ennemis qu’on dispose rapidement. Parfois, mais trop rarement, le long chemin parcouru débouche sur un point de vue plutôt joli ou une structure différente mais cela ne change pas l’idée première qui consiste à dire que Starfield se rate complètement sur cette mécanique.

Starfield est le produit des années 2010. Comment en serait-il autrement tant il prend sa source dans une idée née il y a 25 ans ? Il tente malgré tout d’offrir des sensations chouettes mais le fait qu’on ne puisse pas se poser en temps réel sur une planète, que tout se fait à coup de voyages rapides, que les cartes sont illisibles et que les paysages proposés consistent à 90% en des plaines vides avec quelques petites collines n’engagent pas le joueur dans une quête de découverte comme ont pu le faire d’autres jeux sortis pourtant ces dix dernières années (RDR2, Zelda ou même Assassin’s Creed). Il est bien beau d’avoir 1000 planètes, mais qu’en est-il d’avoir un espace de jeu dans lequel la curiosité amenée par des éléments visuels marquants pousserait le joueur à sortir du chemin bâti pour s’offrir sa propre aventure ? Bethesda avait pourtant tout en main, la recette ayant été connue depuis bien longtemps. Skyrim était en sorte le fer de lance de cette exploration par des éléments visuels ou des indices donnés par quelques PNJ. Dans Starfield, on sent que le jeu force la décision par des quêtes qui se rajoutent constamment dans notre journal, par le fait qu’il faut traverser trois fois la galaxie en voyage rapide (aucun intérêt donc) pour valider un objectif (qui consistait en la plupart du temps à aller à un avant-poste) sans jamais se poser la question de l’intérêt de réaliser cela. Comme si les développeurs avaient privilégié le fait de remplir leur jeu de toutes les mécaniques possibles, d’éléments en veux-tu, en voilà, sans jamais se poser la question de leurs pertinences et du sens que cela donne à leur titre. Toutes ces questions passent ainsi au second plan et on se rend compte rapidement du peu d’intérêt qu’il procure en dehors des quêtes principales.

Starfield est ainsi un jeu qui n’a pas su rendre sa promesse de liberté concrète. Ce d’autant que les traits des personnages, annoncés comme “fondamentaux dans la construction de son aventure” sont eux-aussi une véritable blague. On a, certes, quelques avantages ou désavantages au départ, mais globalement cela ne donne aucune spécialité à notre aventurier et ne rend pas notre session de jeu unique. Lorsqu’on décortique nos différentes parties entre amis, on se rend compte qu’en réalité, on ne parle que de ce qu’on a vu ou découvert mais de telle ou telle mission qui est “plus cool” que les autres. Les souvenirs ne se créent ainsi pas sur nos découvertes mais sur le hasard d’avoir eu la bonne quête dans notre journal. Décevant donc lorsqu’on se dit qu’il aurait suffit d’un game design approprié et à la hauteur de l’ambition et non pas un fourre-tout déstructuré et chargé par un level-design indigne d’un triple A en 2023.

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