Petit jeu indépendant devenu grand, Outer Wilds enchaîne les tests dithyrambiques et les critiques positives. Développé par Mobius Digital et édité par Annapurna Interactive, Outer Wilds est un de ces nombreux projets ayant remporté de nombreux prix depuis plus de cinq ans grâce à une simple idée : explorer des planètes entièrement construites à la main. Une ambition claire qui ne déchante jamais.
Tout est parti d’un projet d’étudiants pour se terminer en « success story ». Voilà grosso modo comment résumer l’histoire de la conception d’Outer Wilds. Et cela a son importance tant il est possible de sentir dans l’âme de ce jeu sa forte proposition qui consiste à emmener le joueur se balader. Oui, Outer Wilds est un jeu de balade. Spatiale certes, mais de balade tout de même. De voyage parfois même si le voyage en tant que tel requiert une forme d’accomplissement, ce qu’Outer Wilds ne cherche pas à montrer. On s’accomplit soi-même derrière son écran, en découvrant ses secrets, mais la balade prend le pas sur celui du voyage parce qu’on ne semble a priori, à aucun moment, être dans la contrainte. Bien que sur ce point, et nous y reviendrons, Outer Wilds peut être à un certain moment ennuyant (calmez-vous, je vous vois venir).
Il y a très longtemps vécu une civilisation, les Nomaï. Visiblement disparus, ces derniers ont pourtant eu le temps d’arpenter largement leur système solaire pour déposer des secrets un peu partout. Bien plus tard, une autre civilisation cherche à percer ces mystères et c’est dans ce cadre qu’on incarne un petit être issu du programme spatial « Outer Wilds ». Chargé d’explorer et de déterrer ces secrets, nous voilà prêts à quitter Âtrebois, notre petite planète à l’aide d’un vaisseau qui semble plus tirer vers la poubelle spatiale que la dernière corvette. Avant de s’en aller, il va pourtant falloir récupérer les codes de lancement et explorer notre petite bourgade. C’est là que tout commence, et que tout se termine, chaque fois, chaque jour. Par une astuce scénaristique, notre personnage se retrouve ainsi coincé dans une boucle temporelle qui va l’obliger à se réveiller toutes les 22 minutes, ou après chaque mort, au même point de départ. Le Soleil finira toujours par exploser après ce laps de temps imparti. Il faudra donc se dépêcher pour comprendre ce qu’il se passe. Heureusement, les souvenirs accumulés et les informations glanées, elles, restent bien dans la mémoire de notre ordinateur de bord. On ne perd donc jamais ce qu’on a compris. Ouf.
Une fois les codes récupérés, on peut se lancer à l’assaut de notre galaxie. Chaque mini-planète est craftée à la main et aura différents points d’intérêts visibles depuis l’espace. D’îles apparentes à des plateformes cachées dans des cavités ou tout simplement à des cratères laissant entrevoir des constructions séculaires, chaque moment de découverte s’accompagne d’un sentiment d’excitation rarement ressenti ailleurs. On passe également d’une planète recouverte d’eau et de geysers, à deux planètes reliées entre elles par une tempête de sable ou à une sorte d’amas de roches et de gaz abritant d’étranges loupiottes. Cette variété de possibilités rend l’exploration excitante tout en ayant cette épée de Damoclès des 22 minutes ou d’une mort accidentelle (et cela arrivera) au-dessus de la tête. Heureusement, cette boucle change la structure des planètes par moment, ouvrant des possibilités cachées jusqu’alors fermées. Une idée bienvenue qui comporte pourtant la fameuse contrainte évoquée plus haut. Il est en effet frustrant, parfois, de mourir bêtement sur un saut ou de mal gérer un atterrissage ou d’être victime d’un phénomène météorologique et devoir recommencer, repartir depuis notre petite planète. Frustrant parce que n’est pas ce qu’on veut à force. Ce qu’on veut, c’est explorer librement, tenter des choses sans devoir évoquer l’idée de simplement revenir au même endroit après un temps de chargement. Comme on ne perd rien, juste du temps, il n’y a même pas cette peur d’égarer de l’expérience ou des objets durement récupérés. On ne perd que du temps… si précieux pourtant. Et alors on perd de l’intérêt aussi. C’est sans doute son plus grand défaut : à force d’être sous cette contrainte, l’intérêt diminue peu à peu une fois toutes les planètes explorées.Même la découverte des secrets finaux ne pourrait avoir, sur certains joueurs, plus de force que l’impatience générée par cette mécanique de mort.
Au-delà de ces considérations, Outer Wilds est techniquement irréprochable. Disposant d’une patte artistique sobre mais qui fait effet et d’une physique du vaisseau particulière qu’il faudra rapidement maîtriser, le jeu de Mobius Digital rend une copie parfaite. L’atmosphère n’est pas que graphique, elle est aussi musicale et cette capacité à évoquer par les sons certaines ambiances fait d’Outer Wilds un jeu si particulier, entre l’extase poétique et l’aventure. Qu’il est plaisant de simplement profiter de cette musique composée par Andrew Prahlow. On se laisse bercer, on mange un marshmallow près du feu, et on respire dans cette bulle du jeu vidéo avec Outer Wilds. Surtout qu’il n’y a rien à faire de spécial. Pas d’objets à collecter, pas d’équipement à trouver, pas d’arme. Juste sa tête, son corps et son esprit et un vaisseau en bois pour tenter de comprendre les mystères de cet univers. L’aventure est belle, dans tous ces aspects. On en ressort avec une pointe nostalgique, si on en ressort un jour…
Outer Wilds est sublime, magique, d’une rareté si précieuse qu’on voudrait le chérir à jamais. Il sait nous emmener vers des contrées pas forcément lointaines mais si belles. Par ses mécaniques d’exploration, l’aventure et la découverte forment le cœur de son gameplay. On ne fait pas grand-chose, mais on prend tant de plaisir à se balader. Certes, la contrainte d’une mort inarrêtable peut frustrer à la longue, mais une fois dépassée cette idée que la mort est un coup d’arrêt, on se rend compte qu’Outer Wilds a une véritable réflexion sur la jouabilité. Bref, jouez-y si vous avez un tant soit peu l’âme d’un archéologue de l’espace, jouez-y parce qu’il est si rare de tomber sur un projet qui, par de simples idées, réussit à nous emmener loin, au-delà de la mort, au-delà du jeu également. Un chef d’œuvre.