Imaginez un monde où l’aridité du lieu, la rareté des ressources, la chaleur étouffante, la rocaille prometteuse à l’horizon, des factions prêtes à s’entre-tuer, et surtout de la transpiration — beaucoup de transpiration — se mélangent dans un cocktail aussi sec que létal. Un monde sans pitié où la moindre herbe encore verte, la plus petite goutte de rosée ou le moindre cadavre encore tiède vaut plus que tous les coffres remplis d’or. Sur Arrakis, la survie ne tient qu’à un fil. Et ce fil, c’est vous qui le tissez, à la sueur de votre front (littéralement), dans une aventure où tempêtes, esclavagistes, sables mouvants et vers géants ne vous feront aucun cadeau. Shai-Hulud règne ici en divinité absolue. Bienvenue dans Dune: Awakening.
Il est des mondes que l’on traverse. Et puis, il en est d’autres que l’on endure. Arrakis appartient à cette seconde catégorie. Une terre de silence et de feu, où l’horizon semble toujours se dérober, où la lumière elle-même semble conspirer contre le vivant. Ici, tout coûte — l’eau, l’ombre, la mémoire. Et tout se gagne à la sueur, au sang, à la peur. Dune: Awakening, dans son essence, n’est pas un jeu à comprendre mais un territoire à apprivoiser. Lentement, douloureusement. Comme on apprend à respirer dans un air trop sec. Dune: Awakening est un jeu de progression, mais pas dans le sens où on l’entend habituellement. Ici, la montée en puissance ne se mesure pas uniquement en statistiques, mais en compréhension. Compréhension des silences, des rythmes du vent, de ce que signifie vraiment le mot “danger”. Car sur Arrakis, tout bruit est une invitation à mourir. Et sous vos pieds, le sable garde la mémoire de chaque vibration. Shai-Hulud n’est pas un ennemi. Il est l’attente. Le châtiment. La divinité. Entendre son grondement au loin, sentir le sol se tendre sous vos pas, c’est saisir que vous n’êtes qu’un accident dans ce paysage. L’un de ceux que le désert corrige vite, avec une grâce impitoyable. Et pourtant, malgré cette tension permanente, on avance. On découvre. On construit. Lentement, la base prend forme. On érige des murs contre la tempête, on distille l’eau de l’air, on s’arme, on roule sur les dunes. Le monde s’élargit, se déploie. De l’infime, on passe à l’immense. Le Bassin de Hagga, vaste et hiératique, devient le théâtre de votre ascension. Zone après zone, ressource après ressource, vous apprenez à naviguer. À mieux survivre et à moins mourir.
Mais toute progression a son revers. Une fois l’exaltation des premières découvertes passée, une fatigue douce mais persistante s’installe. Le désert, fidèle à lui-même, s’étale. Plus vaste, plus exigeant. Mais plus vide aussi. Les derniers paliers ne réservent plus de surprise. Les ornithoptères se succèdent sans émerveillement, les ressources s’accumulent sans désir. Le cœur bat moins fort. Et l’histoire ? Présente, oui. Mais souvent lointaine. Comme chuchotée à travers une tempête. Elle ne manque ni d’intérêt ni de fond, mais elle semble s’étioler dans les interstices de l’expérience, éclatée entre deux séances de crafting, noyée dans la répétition des quêtes. On cherche un document, on élimine une cible, on revient. L’intrigue vibre, parfois, puis s’efface à nouveau sous le sable. Mais ce qui sauve Dune: Awakening, ce qui continue de porter son souffle, c’est son atmosphère. Rare. D’une densité étrange. Les lumières rasantes du soir, la musique — vibrante, organique, envoûtante —, les ombres portées sur les dunes, les silhouettes lointaines d’autres joueurs qui, eux aussi, luttent contre l’oubli. Funcom a su capter quelque chose de l’esprit d’Herbert, non pas dans la narration, mais dans l’ambiance. Dans cette beauté sèche, presque cruelle, qui fait que l’on s’arrête parfois pour simplement regarder.
Et puis il y a la mobilité. Plus le temps passe, plus le corps apprend à voler. Littéralement. Le grappin devient une extension du geste, les boucliers permettent de grimper, l’élan porte le joueur d’une falaise à l’autre. C’est aérien, grisant. Une réponse poétique à l’oppression du sol. Les combats, eux, sont plus terre à terre. Corrects, parfois frustrants. Le tir à distance manque de punch, mais le corps-à-corps propose une tension plus palpable, une chorégraphie de ruptures et de charges. Et toujours, l’Épice en arrière-plan. Présente. Tentante. Dangereuse. Je n’ai pas encore sondé les profondeurs du endgame. Il paraît qu’il exige des alliances, des guildes, des efforts collectifs. Seul, on s’essouffle vite. Le désert ne se conquiert pas isolé. Mais même avant d’y parvenir, Dune: Awakening offre des dizaines d’heures où l’on se perd avec bonheur. Des bases à découvrir, des épaves à piller, des tempêtes à fuir. Des fragments d’histoire qu’on relie seul, dans le vent.
Non, ce n’est pas un chef-d’œuvre. Ce n’est pas un jeu parfait. Mais c’est un lieu. Un vrai. Et les lieux, parfois, valent plus que les systèmes. Plus que les mécaniques. J’y retournerai. Parce qu’au fond, il y a quelque chose dans ce sable — quelque chose de vivant, de mouvant. Un appel qui surgit du sol.